Charleville, une nuit d’août 1871. Un jeune homme, à la lueur d’une bougie, le dos courbé sur son bureau, est en train d’écrire. Il a 16 ans, il s’appelle Arthur Rimbaud, et il a déjà écrit beaucoup de très beaux poèmes dans les mois et les années qui ont précédé. Mais ce soir, Rimbaud n’écrit pas un poème. Il rédige une lettre : une longue missive qu’il va fourrer dans une enveloppe épaissie de quelques poèmes de son cru qu’il joint au courrier. Avant de la poster, il écrit soigneusement l’adresse du destinataire sur l’enveloppe : 14 rue Nicolet, Paris. C’est l’adresse du poète parisien en devenir, de 9 ans son aîné, déjà assez bien établi dans les milieux littéraires parisiens : Paul Verlaine.
Alors en déplacement, Verlaine ne recevra cette lettre que courant septembre. Mais, impressionné par les textes de ce mystérieux auteur ardennais, il y répondra sans tarder. À cette lettre, il joindra, non pas des poèmes, mais un billet de train, invitant le jeune campagnard à lui rendre visite à Paris.
Un nouvel ami assez encombrant
Dès l’arrivée de Rimbaud à Paris, à l’automne 1871, le destin des deux hommes va se lier. Verlaine prend le jeune homme sous son aile et l’emmène avec lui aux « Dîners des Parnassiens », dans le « Club des Vilains Bonshommes » et dans d’autres soirées littéraires auxquelles le parisien a accès et dans lesquelles, d’ailleurs, il est bien reconnu et respecté. Le jeune Ardennais va impressionner par sa verve, par son audace et par la modernité des poèmes qu’il va déclamer devant les assemblées. Par contre, il va choquer par son comportement et par ses bribes provocatrices, n’écoutant pas les déclamations des autres poèmes, insultant les écrivains et provoquant sans cesse l’assemblée. C’est ainsi que, petit à petit, Rimbaud et -par la force des choses- Verlaine se retrouvent exclus de la plupart de ces cercles littéraires parisiens.
Mais ce ne sont pas les seuls milieux desquels Verlaine, à cause de Rimbaud, se retrouve exclu. Il va délaisser également sa toute jeune épouse (qui n’a qu’un an de plus que Rimbaud), alors enceinte. Un jour, alors que Mathilde est malade, Paul Verlaine sort lui acheter des médicaments à la pharmacie de quartier. En sortant de chez lui, il trouve Rimbaud assis sur une bordure. Il va user de toute l’emprise qu’il a désormais sur le futur père de famille pour le forcer à le suivre et à quitter Paris. Verlaine ne rapportera jamais les médicaments demandés par son épouse. Les deux hommes, à partir de là, commencent leur voyage initiatique, un des périples les plus célèbres de l’histoire de la littérature française.
Voyages sous le signe de la poésie… et de l’absinthe !
Les deux hommes partent sans réel but sur les routes et chemins en France, en Belgique, à Bruxelles, et même jusqu’en Angleterre. Durant ces deux ans de décadentes déambulations, où l’absinthe et la littérature tiennent une place centrale, les deux poètes écriront l’un et l’autre quelques-unes de leurs plus belles pièces. La liaison entre Arthur Rimbaud et Paul Verlaine se mue en histoire amoureuse tumultueuse. Ils se disputent souvent, et de plus en plus violemment.
Dès le printemps 1873, les deux amis s’installent à Londres, où de nombreux anciens Communards français ont trouvé refuge. Verlaine, qui n’a pourtant pas eu un rôle de premier ordre sur les barricades parisiennes au printemps 1871, se revendique des idéaux Communards et lie quelques amitiés. Mais les relations, déjà tumultueuses, entre les poètes parisien et ardennais se détériorent de plus en plus. Au début de juillet 1873, Verlaine laisse Rimbaud à Londres et fuit vers Bruxelles. Il a besoin de mettre un peu de distance entre lui et le jeune ardennais provocateur qui le pousse sans cesse à bout. Il s’embarque dans un ferry qui l’emmène jusqu’à Anvers, puis monte dans un train pour Bruxelles. Rimbaud, quelques jours plus tard, fait le même voyage et rejoint Verlaine dans l’hôtel « À la Ville de Courtrai », établissement crasseux de la rue des Brasseurs, à deux pas de la Grand Place de Bruxelles, où il est descendu. Nous sommes le 8 juillet quand Rimbaud rejoint Verlaine. Les deux poètes sont réunis dans la capitale belge. Dans deux jours, le 10 juillet, se jouera l’acte final de la relation Verlaine / Rimbaud. L’ « Incident de Bruxelles » est amorcé…
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