C’est la saison d’Halloween ou plutôt « l’All Hallow’s Eve » (comprenez « veille de la Toussaint
»), fête durant laquelle les fantômes, morts-vivants, vampires et autres esprits frappeurs obtiennent le droit de
sortir, le temps d’une nuit, pour hanter les vivants une dernière fois. Mais certains lieux semblent octroyer cette
permission tout au long de l’année et continuent de fasciner les amateurs de paranormal. Parmi ceux-là, les vieux
cimetières, les manoirs, les sanatoriums, les opéras, les forêts et bien évidemment, les châteaux !
L’un de ces lieux réputés « hantés » n’est qu’à quelques kilomètres de Bruxelles et fait l’objet, au même titre par
exemple que le château de La Roche-en-Ardenne ou la château de Farciennes, de rumeurs impliquant la présence
de phénomènes étranges. En tant que grands amateurs de légendes chez Brussels by foot, c’est l’occasion pour
nous de vous parler du château féodal de Beersel.

Située dans le brabant flamand à deux pas de la frontière avec la région bruxelloise, cette puissante forteresse en
briques rouges, encore entourée des douves, figure parmi les plus beaux témoignages de l’époque féodale en
Belgique. La prestance de ces trois tours imposantes, plantées au milieu des terres humides des berges de la
Senne, lui valut d’ailleurs d’être choisie en 2017 par les producteurs de la série « Game of Thrones » pour y mener
quelques prises de vue, bien que ce tournage jugé trop périlleux par nos pompiers n’aboutit finalement jamais.

Destiné à défendre du duché de Brabant contre les comtes de Flandres et de Hainaut, l’édifice fût érigé à l’aurore
du 14ème siècle par un certain Godefroid de Hellebeke, vassal du duc Jean II de Brabant et désormais seigneur
de Beersel, la « demeure des ours ».
Très vite le château tombe dans les mains de la dynastie des Witthem, très appréciés par les ducs de Brabant
et qui en seront les seigneurs durant deux siècles. Le château sera témoin de plusieurs épisodes liés aux guerres
de succession entre la Flandre et le Brabant et sera finalement mis à sac par les bruxellois en 1489. Ces derniers
étaient révoltés par les agissements de Philippe de Witthem, devenu amman de Bruxelles du fait de sa fidélité
sans faille envers le belliqueux Maximilien Ier d’Autriche, empereur du Saint-Empire.
Les puissants Witthem mènent alors des attaques sur leurs seigneurs rivaux mais aussi les marchands
empruntant les routes vers Bruxelles, contraignant ainsi les échanges commerciaux avec le Hainaut. La révolte
des Bruxellois, appuyée par les français, est finalement endiguée par Maximilien, qui obtient dédommagement
pour la famille de Witthem. Il leur octroye désormais le droit de justice sur la région et condamne violemment les
coupables, en témoignent encore aujourd’hui les humides oubliettes, alors fréquemment innondées par les crues
de la Senne, ainsi que la sinistre salle de torture dans laquelle y furent conservés certains de ses horribles
instruments. La dynastie des Witthem s’éteindra à la fin du XVIème siècle.

À partir du 17ème siècle, le lieu devenu inconfortable tombe progressivement en désuétude, c’est alors que les
faits mystérieux autours de la sombre demeure débutent. Vers 1755, elle est louée pour une modique somme à un
prêtre nommé Blanchet, qui y vivra durant plus de trente années. Mais des bruits étranges venant des ruines font
jaser les paysans des alentours qui, très vite, feront courir la rumeur de la présence d’une sorcière. Est tenue
pour responsable la servante de Blanchet, une vieille femme probablement trop discrète pour être innocente.
N’étaient-ce que les battements des anciens volets les soirs de bourrasques que l’on interprétera comme les cris
de ralliement de la sorcière sur le départ pour le grand sabbat ?

Au cours du 19ème siècle, après avoir servi en tant que manufacture de coton, le bâtiment se change
définitivement en ruines. Quelques strophes de Victor Hugo, de passage à Beersel en 1857, nous donnent une
idée, à la manière d’une introduction d’un vieux film de la Hammer, du romantisme lugubre qui imprégnait
l’endroit :

«Il gît là dans le val, le manoir solitaire.
Le moindre bruit s’est tu sous ses mornes arceaux.
Et chaque heure du jour voit tomber une pierre
de ses sombres créneaux.
Le corbeau s’est logé dans ses antiques salles.
La chouette y redit sa plainte tous les soirs
Et le brin d’herbe pointe entre les froides dalles
de ses vastes couloirs. »

En 1928 est fondée par Raymond Pelgrims de Bigard, la ligue des amis du château de Beersel, qui se
chargera de redonner à l’édifice sa gloire d’antan. Les rénovations, basées principalement sur des gravures du
17ème siècle, s’attèlent avec un grand souci de véracité historique, au redressement des tours et de la muraille
eondrées dans des matériaux d’époque. Une seconde phase de rénovation ainsi que des fouilles archéologiques y
seront également menées en 1999.
Au moins depuis le 20ème siècle, le château de Beersel acquiert la sombre réputation d’être hanté. On dit en
eet, que d’étranges phénomènes s’y déroulent, dans les salles et aux alentours du domaine. La rumeur raconte
ainsi que lors de crises ou de troubles politiques touchant la région, des fantômes sortent des oubliettes et
provoquent des phénomènes inexplicables. Le passé lourd et violent du lieu aurait-il marqué les vieilles pierres au
point que les âmes des bruxellois torturés par les Witthem continuent de nous avertir d’une éventuelle urgence
d’agir ?


Peut-être n’est-ce là qu’un fantasme romantique né de l’esprit des auteurs contemplant ces sinistres ruines
croupissant au milieu du marais. Sans doute c’est cette aura mystérieuse qui inspirera Willy Vandersteen en 1952
pour le tome 111 de Bob et Bobette, « Le trésor de Beersel », dans lequel le fantôme d’une chauve-souris hante
les lieux puis se révèle n’être en fait qu’un chasseur de trésor. Ne serait-ce pas finalement Vandersteen qui
popularisera les rumeurs de ces étrangetés liées à Beersel dans la tête des lecteurs ? Dicile ici d’établir
l’origine des faits cachés derrière ces prétendus phénomènes. La meilleure manière de s’en assurer est d’en faire
vous-même l’expérience en visitant librement la cour intérieure et les salles de ce magnifique monument pour la
modique somme de 5 €.

Simon François, guide Brussels By Foot